Planche à tréteaux

La Rose et le Houblon n° 5

Compte-rendu du 13 avril 2020

La réunion virtuelle est ouverte à 11h à l'Orient numérique de Lille, présidée par le Vénérable Maître, Roger D. assisté du Secrétaire, Catherine D., réunissant jusqu'à 6 membres de la Rose et le Houblon n° 5 (LNFU) : Roger D., Catherine D., Gilberte B., Isabelle L., Daniel et Dominique B.

L’ordre du jour de cette PAT est rappelé en début de séance : "Le confinement a-t-il une vertu initiatique ?"

Une synthèse a été publiée dans le bulletin de La Truelle Numérique n° 23.

Le confinement a-t-il une vertu initiatique ?

Introduction par le Vénérable Maître

Le sujet apparait au fur et à mesure des échanges informels qu’ont entre eux au début de la réunion les 6 membres présents : « Le confinement a-t-il une vertu initiatique ? »

Roger rappelle que la notion de groupe est essentielle dans la vie initiatique. Mais puisque nous sommes tous isolés depuis un mois et pour encore de nombreuses semaines, il serait intéressant que chacun fasse mention de ce qu’il vit actuellement.

Echanges collectifs

Daniel lit la Bible et en particulier les Evangiles avec un nouveau regard. Et il ne lit que cela. Ce qui l’interroge. Serait-ce dû à l’angoisse liée à cette période ? Ce qu’il sait, c’est que ces lectures l’apaisent, un peu comme le fait la musique. En tant qu’intellectuel, il prend plaisir à mettre en regard différentes traductions.

Roger dit que pour lui, c’est le contraire. Il lit moins la Bible en ce moment, mais se plonge dans les philosophies spiritualistes françaises d’avant-guerre, post-Bergsoniennes : Edouard Le Roy, René Le Senne…

Catherine s’interroge : est-ce dû à la gravité du moment ? Elle relit Sagan avec délectation. Aime ce temps nouveau (au parfum de pré-retraite) où ne rien faire est si bon. Constate que son sommeil est bien meilleur, que cuisiner à deux est un véritable plaisir, qu’il est bon de prendre le soleil dans le jardin, que la vie est douce en ce moment. Essaie de se remettre à l’anglais par le biais du petit livre américain « The old tiler talks » (série de brefs entretiens entre un jeune apprenti fougueux et un vieux tuileur/mentor, sage, débonnaire, grand amateur de cigare). Aime ce temps long, fluide et suave.

Gilberte a ressorti sa Bible. Elle l’aborde aussi bien que possible, en s’aidant de documentaires télévisés. Elle lit et relit RD, cuisine avec plaisir et « light » (y compris pour sa fille, qui a été très malade) et se réapproprie (avec quel étonnement !) cette maison qu’elle voulait quitter depuis plus de 30 ans.

Roger lui fait remarquer (au moment même où Daniel, psychologue et analyste, allait le faire) que c’est elle-même sans doute qu’elle retrouve et redécouvre, son intériorité.

Catherine rebondit sur ce qu’a dit Gilberte concernant sa maison : elle fait le même constat !

Dominique fait le tri entre ce qui lui est nécessaire ou non. Que ce soit dans les placards ou en amitié. Elle fait partie d’un club de lecture, ce qui la ravit. Etant insomniaque, elle a le temps de beaucoup lire.

Isabelle commence pour nous faire rire en racontant la stupéfaction et l’indignation de son fils Antoine, l’écoutant évoquer les frères et sœurs qui avaient des enfants ensemble… Puis, elle raconte combien cette période lui fait du bien. Notre Sœur, s’étant fracturé le bras deux mois avant l’épidémie, a donc une plus grande expérience que nous de ce confinement. Elle lit beaucoup, sur la maçonnerie et sur la kabbale (faisant suite à un « déjeuner philosophique » avec Roger, Catherine et Gilberte). Ce qui est nouveau pour elle, c’est qu’ayant enfin du temps, elle essaie de répondre d’abord elle -même aux questions posées dans ces livres. Ce qui l’intéresse, c’est l’être humain dans son rapport à Dieu.

Daniel explique que nous ne sommes plus dans un temps linéaire, mais dans un temps circulaire.

Isabelle note que nous finissons tous par créer notre propre rituel de vie, un emploi du temps méticuleux qui nous convient. Un temps structuré qui permet d’avancer.

Roger rappelle que le rituel est, pour les anthropologues, une conduite collective élaborée par l’esprit humain pour le rassurer par rapport à l’incertitude du monde et à son absurdité apparente, et pour lui redonner la maîtrise du temps.

Catherine s’interroge : peut-on vraiment croire aux vertus du travail ? Dans quelle mesure n’est-il pas plutôt vécu par l’homme comme un abrutissement, le laissant, épuisé et démuni, dans l’impossibilité de mieux se connaître ? C’est (se souvient-elle) son sujet au bac philo.

Daniel revient sur la notion de temps circulaire, ou plutôt cyclique, développée par les présocratiques tels qu’Anaximandre, Héraclite, Empédocle et plus tard par les stoïciens, mais aussi par Nietzsche avec l’idée d’Éternel retour.

Roger se demande ce que sera l’après-confinement. L’homme rêve toujours de changement, mais retourne très vite à ses habitudes. C’est à craindre, car l’humanité est amnésique.

Daniel constate que nombre de ses amis vivent cette période avec un certain et étonnant bien-être. Il pense même que certains auront du mal à sortir du confinement. Car si « le bonheur est dans l’habitude » pour la pensée grecque, il est aussi un bien qui n’est pas fourni par l’extérieur mais qu’on doit trouver en soi-même, dans sa propre activité selon Aristote.

Catherine se demande quelle serait notre vision des choses si nous apprenions que jamais nous ne sortirons de ce confinement. N’est-ce pas le fait qu’il soit temporaire qui nous permet d’en avoir une vision positive ?

Catherine D.