Planche à tréteaux n°3

Cercle de correspondance LTN

Compte-rendu du 14 avril 2020

La réunion virtuelle est ouverte à 18h, présidée par le Vénérable Maître du jour, Hervé H.Lecoq assisté par du Secrétaire, Philippe D, et du Webmaster, Jérôme M., réunissant jusqu'à 55 membres des LNFU.

L’ordre du jour de cette 3e PAT est rappelé en début de séance :

  • “Un maçon traditionnel est-il vraiment spéculatif ?” (introduction par le VM)

  • Interview d’un Maçon confiné : Roger D.

  • A 19H11 : une santé commune "en ligne" aux Soeurs et Frères absents.

Une synthèse a été publiée dans le bulletin de La Truelle Numérique n° 23.

Un maçon traditionnel est-il vraiment spéculatif ?

Introduction par le Vénérable Maître du jour

Dans une précédente Planche A Tréteaux à L’Anglaise, les frères et les sœurs présents.es s’étaient intéressés à la notion de l’opérativité du franc-maçon dans la vie de tous les jours.

Aujourd’hui, ensemble, intéressons-nous à réfléchir sur le fait de savoir si un maçon traditionnel peut être vraiment spéculatif.

Mais tout d’abord, il faut savoir ce qu’est être « spéculatif ». Est-ce juste le pendant théorique des maçons opératifs ? Est-ce juste spéculer sur des symboles ?

Pour commencer la réflexion j’ai eu l’idée d’interroger quelqu’un qui s’y connait bien sur cette notion, puisqu’il fait partie de la Grande Loge d’Ecosse. Il s’agit ici de « Bob » Cooper, le Conservateur du Musée et de la Bibliothèque de la GL d’Ecosse. Et pour lui, en bon écossais, je le cite : « le terme « Spéculatif » est un terme anglais qui a été utilisé pour « prouver » la précédence anglaise dans cette « Franc-maçonnerie purement spéculative » qui a commencé à Londres, en Angleterre, en 1717. Ce qui, bien sûr signifie que rien n’existait avant 1717 ».

Alors à la question de savoir comment les écossais nommaient ceux qui étaient admis en loges sans être des maçons bâtisseurs, il m’a répondu qu’« il y a une variété de termes pour désigner les non-maçons de la pierre, comme Geometric Masons, Gentlemen Masons et Philosophical Masons mais avec le temps « Spéculatif » est devenue la description commune ».

En poussant plus loin, j’ai trouvé une autre explication à ce terme de « spéculatif », cette fois de la plume de Mackey, l’encyclopédiste de la franc-maçonnerie. Justement, dans son encyclopédie il déclare : « Les Francs-Maçons français disent : "Nous érigeons des temples pour la vertu et des cachots pour le vice" ; faisant ainsi référence à la grande doctrine maçonnique d'un temple spirituel. Il n'y a pas de symbolisme de l'Ordre plus sublime que celui dans lequel le Franc-maçon spéculatif est censé être engagé dans la construction d'un temple spirituel, en allusion à celui, matériel, qui a été érigé par ses prédécesseurs opératifs à Jérusalem. En effet, la différence, de ce point de vue, entre la Franc-maçonnerie opérative et la Franc-maçonnerie spéculative est simplement la suivante : alors que la première était engagée dans la construction, sur le Mont Moriah, d'un temple matériel de pierres et de cèdre, et d'or et de pierres précieuses, la seconde est occupée, de sa première à sa dernière initiation, à la construction, à la parure du Moi, et à l'achèvement du temple spirituel de son corps. ».

Cette notion de temple spirituel apparaît chez Saint Paul dans la première Épître aux Corinthiens (3, 16) : « Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l'Esprit de Dieu habite en vous? ». Et en 6, 19 : « Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint-Esprit qui est en vous, que vous avez reçu de Dieu, et que vous ne vous appartenez point à vous-mêmes? ».

Mackey va d’ailleurs plus loin en disant que : « certains sont frappés par le fait que de nombreuses parties du récit de leur construction admettent une interprétation morale ; et si les bâtiments sont autorisés à se dresser, ou à avoir été, autrefois, des objets visibles, ces interprètes sont ravis de rencontrer des indications selon lesquelles Moïse et Salomon, en construisant les Temples, ont été sages dans la connaissance de Dieu et de l'homme ; il n'est donc pas difficile de passer à la signification morale et d'affirmer que l'édifice, qui a été érigé sans le bruit d'un "marteau, ni d'une hache, ni d'aucun instrument de fer" (1 Rois 6.7), était un édifice moral, un édifice de Dieu, non fait de mains d'homme. En bref, beaucoup voient dans l'histoire du temple de Salomon, une représentation symbolique de l'homme comme le temple de Dieu, avec son Saint des Saints profondément assis au centre du cœur humain". ».

Ainsi, si être « spéculatif » est synonyme de constructeur du temple intérieur, qu’est-ce que pour vous être un.e maçon.ne « traditionnel.le » ?

Echanges

Pour Roger D., “Dans une lettre au grand secrétaire de la Grande Loge des modernes, du 12 juillet 1757, le Dr Manningham, qui avait été Député-Grand Maître de la Grande Loge, réalise une distinction entre la maçonnerie spéculative et la maçonnerie opérative.

Antérieurement, entre 1720 et 1730, quand commence la franc-maçonnerie, personne ne se désignait par maçon spéculatif.

En 1760, en angleterre, on commence à parler de Maçon spéculatif.

Pour ce qui concerne Mackey, le récit du temple de Salomon ne correspond pas à l’edifice matériel. Les travaux de l’archéologie biblique arrivent à la conclusion que le temple dans la bible n’a jamais existé. C’est un édifice primitif plus modeste. Le récit imaginaire donne au peuple juif une mythologie.”

Pierre P. rappelle que René Guénon a abordé avec prudence en premier, l’initiation en maçonnerie, et la transformation de la cérémonie en une initiation effective.

Pour Pierre tout maçon traditionnel est avant tout un maçon opératif.

La question est : Est-il aussi un maçon opératif ?

La construction du temple intérieur est une démarche opérative.”

Frédérique L. y voit une recherche de soi, de vérité, et la recherche est opérative.

Notre VM du jour, considère que le fait d’avoir un temple intérieur à construire est en effet peut-être opératif.

Samuel M. précise “l’appartenance aux LNFU nous permet de pratiquer l’école authentique”

Olivier C. “Pour un maçon traditionnel, le caractère opératif est à rapprocher de la bienfaisance.”

Roger D. précise : “Lorsque l’on parle de spéculatif, cela vient du latin speculare, et speculum, “miroir”, un maçon spéculatif doit se regarder dans le miroir.

Lorsque nous parlons de maçonnerie spéculative en france, nous devons penser aux opératifs. Nous ne devons pas oublier les Constitutions d’Anderson : “le premier Roi de la Grande Bretagne qui déterra l’architecture romaine ensevelie sous les ruines de l’ignorance Gothique”, la maçonnerie du 18ème siècle s’est bâtie sur le rejet de l’architecture médiévale.”

Hervé HL. pour conclure nous propose de nous interroger :

“Un maçon traditionnel, est-il vraiment spéculatif ? et il se pose la question de savoir si nous sommes dans la “Vérité” ?

Ajout du Secrétaire

Roger DACHEZ a publié en 2008, “L’invention de la Franc-maçonnerie - Des opératifs aux spéculatifs” Paris, Véga, 2008.

Notre FF est en cours de réécriture ce cet ouvrage, et fait le point sur la théorie de la transition.

Cf. texte en français des Constitutions d’Anderson.

Cf. Franc-maçonnerie opérative et spéculative par Jean-Michel Mathonière

Albert Mackay

Interview d’un Maçon confiné : Roger Dachez

Le deuxième sujet à l’ordre du jour est l’interview d’un maçon confiné, notre FF Roger D. se prête à la question animée par notre VM Hervé HL. :

Etes-vous vraiment un maçon confiné ?

Je respecte à la lettre le confinement pour que cela soit efficace. De manière naturelle j’aime m’isoler avec un livre. Nous observons que ce qui déroute beaucoup de personnes est le fait de ce retour à soi, et à ne pas avoir agit, sur ce que nous devons faire. Au fond, nous remplissons une fonction et nous sommes obligés de trouver en nous mêmes de faire quelque chose qui ne nous est pas imposé.

La leçon du confinement : Peut-être est-ce utile de se retrouver seul face à soi même ?

Quel livre de franc-maçonnerie avez-vous usé le plus ?

Il s’agit d’une question piège. J’étudie la franc-maçonnerie depuis de nombreuses années et j’ai lu plus de 2.000 livres.

Je peux néanmoins parler des “Early Masonic Catechisms” qui sont les plus anciens textes maçonniques connus.

Ajout du secrétaire : cf. Renaissance Traditionnelle n° 187-188

Est-ce nécessaire de tout avoir compris pour apprécier le maconnerie ?

Personne ne peut prétendre avoir tout compris. Au fil du temps comprendre de mieux en mieux. Il y a des moments où on découvre des textes que l’on ne situe pas, et se révèle une énigme à résoudre.

Nous sommes dans un monde, une société, où on attend que l’on ai réponse à tout.

Les philosophes grecs, à propos de l’esprit humain, nous enseignent que nous devons admettre notre incompréhension.

Quel est le deuxième livre de franc-maçonnerie avez-vous usé le plus ?

La biographie de JB WILLERMOZ par Alice Joly parue en 1938 (cf. lien).

C’est une biographie très honnête, pour essayer de comprendre JB WILLERMOZ.

La biographie est un genre très utile.

Lorsque l’on essaie de comprendre le vie de Willermoz, dont la passion a été la franc-maçonnerie.

Cela nous donne envie de lui parler directement, de lui poser des questions.

Quel est le grade que tu souhaites vivre (découvrir) ?

Est-ce que dans la franc-maçonnerie l’objectif est d’avoir des grades ?

L’idée de rester un éternel Apprenti est idiote. La franc-maçonnerie nous enseigne le contraire, afin de transmettre.

Les grades sont des étapes symboliques, afin de progresser et d’élargir son regard. Il faut souhaiter recevoir des grades pour progresser.

Lorsque l’on regarde la franc-maçonnerie, jusqu’à la fin du 18ème siècle (1730 avant la révolution), celle-ci a inventé 200 ou 300 grades différents.

Bien entendu, tous n’étaient pas strictement différents. Certains ont été éliminés de façon naturelle.

Dans le cadre des LNFU aux 3 rites, nous étudions de nombreux grades, et il y a de quoi remplir une vie maçonnique entière…

Il existe des grades disparus depuis le 18ème siècle, et nous les redécouvrons à mesure de la découverte des archives. Nous devons travailler sur les textes des maçonniques disparus.

Nous pouvons par exemple faire l’expérience de penser que nous sommes en 1760 à Lyon…

As-tu en tête un grade disparu ?

Oui j’en ai plusieurs. Des formes antérieures de grades qui ne sont pas totalement disparus.

Il existe de nombreux grades de la tradition britannique qui m’intéressent.µ

Il y a 125 grades et 12 systèmes. Par exemple un ordre des Side Degrees, très populaire en Angleterre, l’Ordre du Moniteur Secret. Également l’Ordre de la Scarlet Cord.

Ajout du secrétaire : cf. http://www.rudyard-kipling.fr/doc/SideDegrees.pdf

Quel mot représente le mieux la franc-maçonnerie selon toi ?

Il s’agit de “Recherche” mais aussi “Fidélité

Sur une île déserte quel décor maçonnique tu souhaites garder ?

Celui de CBCS.

Et si il n’y a qu’un seul grade à pratiquer ?

Un grade très esthétique, l’Arc Royal

Quel est ton plus beau souvenir maçonnique ?

Le jour où je suis arrivé à la LNF.

J’ai été initié à la GLDF, et après quelques recherches, j'ai découvert la LNF, avec la Loge Louis de Clermont, présidée à l’époque par René Guilly.

La loge exerçait dans une cave voûtée du 15ème siècle. Je suis arrivé en avance, il y avait deux FF qui étaient en train d’installer et ne se préoccupaient pas de moi. Un frère avance dans l’entrée et me dit sur un ton un peu agressif “C’est à quel sujet ?”, je justifie ma qualité maçonnique, et le frère me fait un signe de la main pour que je me pousse…

J’entre alors et vois un deuxième frère qui m’ouvre les bras et me dit “sois le bienvenu mon frère”, ce frère est Pierre P.

Quel est ton plus grand regret dans ta vie maçonnique ?

J’ai un regret permanent, l’état de la franc-maçonnerie française depuis 150 ans.

La france, la fille aînée de la franc-maçonnerie, a détruit une grande partie du patrimoine.

Nous tendons à le restituer.

Quel est l’instant de la vie maçonnique qui te manque le plus (dans cette période de confinement) ?

L’initiation de quelqu’un. Ce moment où on ouvre une vie insoupçonnée pour un profane.

Car si on réalise bien la cérémonie, cela va permettre au nouvel initié de découvrir un monde extraordinaire et profond.

Notre VM Hervé HL remercie notre frère Roger pour s’être livré ainsi, et permet une dernière question.

Jérôme M. demande alors :

Si cela était possible, à quelle époque maçonnique aurais-tu aimé vivre ?

Entre 1750 et la révolution française.

Nous passons aux santés traditionnelles et virtuelles avant de nous séparer.

Rappelons que nous nous retrouvons dimanche à 11H11 pour de nouvelles santés virtuelles.