Planche à tréteaux
La Rose et le Houblon n° 5
Compte-rendu du 20 avril 2020
La réunion virtuelle est ouverte à 11h à l'Orient numérique de Lille, présidée par le Vénérable Maître, Roger D. assisté du Secrétaire, Catherine D., réunissant jusqu'à 6 membres de la Rose et le Houblon n° 5 (LNFU).
L’ordre du jour de cette PAT est rappelé en début de séance :
Si je n’étais pas devenu franc-maçon, à quoi d’autre aurais-je adhéré, qui soit dans le même esprit ? »
Une synthèse a été publiée dans le bulletin de La Truelle Numérique n° 24.
Si je n’étais pas devenu franc-maçon, à quoi d’autre aurais-je adhéré, qui soit dans le même esprit ? »
Introduction par le Vénérable Maître
Roger lance le sujet de réflexion du jour : « Si je n’étais pas devenu franc-maçon, à quoi d’autre aurais-je adhéré, qui soit dans le même esprit ? », ou « Si la maçonnerie n’existait pas, qu’aurais-je fait d’autre ? », mais encore : « Qu’avons-nous trouvé en franc-maçonnerie que nous n’avons pas trouvé ailleurs ? ». Une question formulée de trois façons différentes qui permettrait d’essayer de cerner ce qui fait la spécificité de la maçonnerie.
Echanges collectifs
Daniel explique qu’il y est entré tardivement, vers 55/60 ans. Il espérait y vivre cette belle idée philosophique de l’alliance de l’âme et du corps. Il fait alors référence au Discours d’Aristophane dans le Banquet de Platon : l’homme, divisé en deux dès son origine, est sans cesse en quête d’unité. Daniel a enfin trouvé dans le Rite anglais style Emulation cette part du corps qu’il n’avait jamais connu dans d’autres rites. N’ayant pas eu d’éducation religieuse (mère juive, père catholique), la franc-maçonnerie a ajouté, en plus, la spiritualité.
Catherine dit que sa vie a été une succession de rencontres, certaines absolument primordiales. Or on entre en maçonnerie car quelqu’un un jour nous en parle. Dans une vie faite de ruptures et de nouvelles aventures, elle a trouvé dans cet engagement le moyen d’avoir enfin un fil rouge continu, quelques soient les séismes vécus. Et ce ne sont pas les associations comme Amnesty qui ont répondu à sa soif d’idéal.
Gilberte évoque son travail prenant et combien elle a été déçue par la religion catholique. Ses différents engagements dans des associations (la Croix-Rouge, Greenpeace, Visions du monde) l’ont laissée sur sa faim, car souvent trop superficiels. Elle cherchait quelque chose pour elle-même. Son père parlait parfois de maçonnerie. On lui a proposé d’entrer quand elle avait 59 ans. Elle n’a aimé ni sa 1ère loge ni sa 2ème. Ce qui comptait hélas dans ces loges, explique-t-elle, c’était que les agapes soient exemplaires. Elle dit avoir compris un peu mieux ce qu’était la maçonnerie quand Catherine a présidé la 1ère loge (recherches, travail, rencontres avec des maçons érudits, etc.). Elle a conscience que seule la Franc Maçonnerie permet à chacun de s’engager sur un parcours de progression individuelle.
Isabelle est entrée en maçonnerie par une rencontre : celle de Catherine puis de Roger. Le déclic s’est produit lorsqu’elle a visité avec eux le musée de la Franc-maçonnerie rue cadet. Découvrir tout ce patrimoine, tous ces objets fabuleux, chacun ayant une histoire, que Roger racontait. Elle aussi a été membre (déçue) d’Amnesty. Elle est aujourd’hui membre de La Croix Rouge. Souvent, les associations manquent de structure, de forme, regrette-t-elle. Et de spiritualité. Ce sont ces deux notions (la forme, la spiritualité) qu’elle trouve aux LNFU : la parole et le geste, unis. La forme, c’est le garde-fou, qui empêche que tout parte en vrille. Elle éloigne les débats creux et stériles.
Dominique est entrée grâce à une voisine qui lui a fait découvrir la GLFF lors d’une tenue blanche. Hélas, une fois en loge, elle a été bien déçue. On lui a conseillé de ne pas lire, de se taire et d’observer. Un peu comme à la messe, remarque-t-elle. Compagnon, elle a visité une autre loge, à Saint Tropez ou tout s’est bien passé. Elle aime l’idée que des frères et sœurs peuvent partout l’accueillir.
Catherine a trouvé aux LNFU une maçonnerie qui lui convient enfin : un lieu intime, d’ouverture, de rencontres, de silence, de culture, un lieu où pour la première fois, elle a pris le temps de penser Dieu en toute liberté, affranchie de la culpabilité catholique (« Seigneur je ne suis pas digne de te recevoir »). La rencontre avec le protestantisme a contribué à la mettre sur cette voie. Que ce soit dans le protestantisme ou en franc-maçonnerie, elle s’est sentie enfin légitime.
Roger rappelle qu’il est né dans un quart-monde économique et social. Tout petit, il a rejeté massivement son milieu. Il s’est construit dans une révolte intérieure. Dès l’âge de 15 ans, il se passionne pour la philosophie, hante la bibliothèque municipale où il dévore des livres qu’il ne comprend pas toujours mais qu’il se jure de relire plus tard (par ex : Essai sur les données immédiates de la conscience, de Bergson). Il opte seul pour le protestantisme et découvre la maçonnerie à travers des lectures (Guénon). Il a toujours eu besoin d’un parcours intellectuel, incarné et spirituel. Le mot important pour lui est « rituel », acte performatif où « faire c’est dire, et dire c’est faire ».
On touche ici à un invariant anthropologique : tout humain s’interroge et cherche un lieu où tout est concentré, rappelle-t-il.
Roger avait trouvé dans le protestantisme sa religion idéale (car, comme l’écrit si bien Boileau : « tout protestant est pape, une Bible à la main »), mais la maçonnerie lui a apporté quelque chose en plus qu’il ne cherchait pas, lui, l’enfant unique : le lien fraternel. Convaincu depuis longtemps et encore à ce jour que les liens du sang - et donc, la famille - ne sont rien, la maçonnerie a comblé cette indifférence. Il en veut pour preuve l’accueil qui lui est réservé partout où il va plancher : on le reçoit comme le fils de la famille. Ce qui tendrait à prouver que la maçonnerie peut être une utopie idéale. Même s’il y a quelques imperfections. Lui qui est trop cérébral, un « flegmatique » (selon Le Senne), un « non-émotif actif secondaire », a trouvé le lien qui lui manquait : l’altérité. Il a été membre d’Amnesty, qu’il résume hélas à un business humanitaire. Qui y reste ?
Daniel revient sur la place du corps dans Emulation, ajoute que lui non plus ne croit pas aux liens familiaux et note qu’en effet, la notion de rencontre est importante, puissante dans nos vies.
Nous nous posons à nouveau la question : quelle structure pourrait se substituer à la maçonnerie ?
Le communisme des années 40/50 était lui aussi une utopie, une communauté idéale. On oublie parfois qu’il y avait une cérémonie au sein de chaque cellule lors de la remise de carte à un nouvel adhérent : le secrétaire le prenait par les épaules et lui annonçait d’une voix sentencieuse : « maintenant, tu es membre du PC ». Ce qui met en avant un autre invariant anthropologique : le rituel.
Catherine dit l’importance de la cohérence, dans nos vies, dans nos engagements, dans nos actes. Daniel parle plutôt d’harmonie.
Roger revient sur l’idée de la communauté. Il nous met en garde : attention à ne pas confondre la franc-maçonnerie avec un simple club de bons amis ! Il rappelle qu’il y a des loges, en Angleterre, qui regroupent des scouts, ou des membres du Rotary : preuve que le club n’est pas l’endroit idéal, parfait. Qu’il ne suffit pas.
S’engage alors sur l’initiative de Catherine une petite discussion sur la fraternité. Il est décidé que ce sera le sujet de la prochaine réunion. « Quelle différence faites-vous entre fraternité et amitié ? ». VM : Daniel.
Lequel conclue cette séance sur une phrase extraite des Cent phrases pour éventails de Claudel : « Chut ! Arrêtons de parler, sinon le temps va redémarrer ! »
Et la secrétaire du jour d’ajouter :
La vie spirituelle, selon Claudel, c’est : « fermer ses portes, ouvrir ses fenêtres ». Belle définition du confinement : tout n’est pas fermé, loin de là. Ces PAT sont nos fenêtres ouvertes.
Catherine D.