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Cercle de correspondance LTN

Compte-rendu du 28 avril 2020

La réunion virtuelle est ouverte à 18h, présidée par le Vénérable Maître du jour, Guillaume P. assistée par du Secrétaire, Philippe D, et du Webmaster, Jérôme M., réunissant jusqu'à 51 membres des LNFU.

L’ordre du jour de cette 5e PAT est rappelé en début de séance :

  • “La Franc-maçonnerie bordelaise au début du XVIIIe siècle” (introduction par le VM)

  • Interview d'un Maçon confiné : Pierre D-SCR-T--N

  • A 19H11 : une santé commune "en ligne" aux Soeurs et Frères absents.

Une synthèse a été publiée dans le bulletin de La Truelle Numérique n° 25.

La Franc-maçonnerie bordelaise au XVIIIe siècle

Introduction par le Vénérable Maître du jour Guillaume P.

Bordeaux et la Franc-Maçonnerie

La ville de Bordeaux semble être à la croisée des chemins de l’histoire maçonnique française.

Etienne Morin y a longtemps vécu, avant d’obtenir une patente de la Grande Loge de France le nommant Grand Inspecteur pour toutes les parties du monde en 1761, et partir fonder aux Antilles ce qui deviendra plus tard le rite écossais ancien et accepté. C’est aussi à Bordeaux que le comte de Grasse-Tilly a débarqué en 1804, pour fonder le premier Suprême Conseil du 33e degré en France, après avoir été nommé en 1802 Grand inspecteur général et Grand commandeur des Antilles françaises du rite écossais ancien et accepté qui venait de se constituer à Charleston, en Caroline du Sud.

Martines de Pasqually, qui a inspiré Louis-Claude de SaintMartin et Jean-Baptiste Willermoz pour le rite écossais rectifié, a lui-aussi longtemps vécu à Bordeaux, où il fréquentait la loge La Française, dans les années 1760.

27 avril 1732
Première tenue de L’anglaise

Joseph Balsamo, le comte de Cagliostro à l’origine d’un rite de maçonnerie égyptienne à la fin du XVIIIe siècle aurait lui aussi vécu à Bordeaux en 1784.

Montesquieu, qui était baron de La Brède à côté de Bordeaux aurait lui-aussi fréquenté les loges bordelaises au début du XVIIIe siècle.

Enfin, le plus ancien document maçonnique français connu a été retrouvé récemment à Minsk et se trouve être le premier livre d’architecture de la loge L’anglaise, créée à Bordeaux le 27 avril 1732.

C’est dire si la ville de Bordeaux mérite toute notre attention, pour appréhender la maçonnerie telle que nous l’envisageons au sein des Loges Nationales Françaises Unies.

Les débuts de la maçonnerie bordelaise

Il est communément admis que la première loge maçonnique française a été créée en 1725 à Paris, autour de Charles Radcliffe, comte de Derwentwater, en lien avec l’exil en France de nombreux jacobites depuis la chute du roi Jacques II en 1688. Cette première loge française, dite Saint Thomas, créée par des britanniques, figurera sur le tableau de la grande loge de Londres et de Westminster dix ans plus tard, en 1735.

Une première intuition pourrait poser l’hypothèse que les loges de province ont été créées en France à partir de cette première loge parisienne, par essaimage. Mais il n’en est rien pour Bordeaux, dont la maçonnerie a vraisemblablement vu le jour de manière indépendante, à l’initiative de marins britanniques. A cette époque, la ville est peuplée d’environ 40,000 habitants et vit essentiellement du commerce avec l’Angleterre et avec les Antilles. Elle est particulièrement cosmopolite, avec de nombreux immigrés européens. Cette diversité unie autour du commerce fera sa prospérité.

Le 27 avril 1732, Martin Kelly, Nicholas Staunton et Jonathan Robinson élèvent au grade de maître un certain James Bradshaw, marchand à Bordeaux, lors de la première tenue consignée de L’anglaise de Bordeaux, et ils reçoivent Patrick Dixon comme apprenti-entré avant de l’avancer compagnon du métier. C’est la trace la plus ancienne d’activités maçonniques bordelaises, dans le document maçonnique français le plus ancien connu, retrouvée à Minsk en 2015 par Pierre-Yves Beaurepaire, professeur d’histoire moderne à l’Université de Nice.

Jusqu’à ce que le premier livre d’architecture de L’anglaise soit retrouvé, ce sont les travaux d’Alain Bernheim dans le numéro 101 d’Ars Quatuor Coronatorum en 1988, qui faisaient référence sur ce sujet. Il avait retrouvé dans les archives de la Grande Loge Unie d’Angleterre et dans celles de la loge Quatuor coronati, la copie unique d’un livre du frère Renou, secrétaire de L’anglaise n° 204, déposé en mai 1917 par son auteur et contenant de nombreuses photos, dont les deux premières pages du premier livre d’architecture de la loge. Confisqué par les nazis pendant la deuxième guerre mondiale, ce document était conservé en Biélorussie depuis la fin de la guerre.

Déjà en 1988, Alain Bernheim avait noté que ce premier livre d’architecture était rédigé en anglais, que les noms des premiers frères ayant participé aux travaux avaient une consonance irlandaise, et que probablement les travaux de cette loge étaient réservés aux immigrés britanniques installés ou de passage dans la ville. De passage, parce qu’on note que le premier vénérable maître de la loge, Martin Kelly, a occupé cet office pendant seulement quelques jours avant de prendre la mer et laisser la loge entre les mains du frère Staunton, lequel ne sera vénérable maître que pour deux tenues, avant de laisser le maillet au frère Bradshaw, élevé au grade de maître deux semaines plus tôt.

Un aspect marquant de ce que nous rapporte ce livre d’architecture est la fréquence des tenues. Après le 27 avril 1732, la loge se réunit tous les jours pour recevoir de nouveaux membres et porter à sept son effectif, en seulement quatre jours. Par la suite, elle se réunit tous les deux jours jusqu’au 10 mai, pour porter à dix la liste de ses membres. En moins de deux semaines, la loge initialement fondée par Kelly, Staunton et Robinson aura

ainsi reçu sept nouveaux apprentis, qui auront pour la plupart été élevés à la maîtrise dans ce laps de temps. Bradshaw, qui a été élevé à la maîtrise le 27 avril, lors de la première tenue, deviendra le troisième vénérable maître de la loge le 10 mai. On voit donc que l’effectif de la loge n’est pas stable à ses débuts, et que les offices se transmettent rapidement.

Dans ces conditions, et considérant que ces frères avaient une activité profane en plus de la maçonnerie, on imagine que des parcours aussi rapides n’étaient possibles qu’avec la pratique d’un rituel relativement dépouillé : un mot, une poignée de main, un signe, et quoi d’autre ? Nous n’en savons rien, mais on était probablement loin de la pratique rigoureuse voulue par la Grande Loge Unie d’Angleterre après 1813, au moment de la réconciliation des anciens et des modernes qui forgera le rite anglais tel que nous le connaissons aujourd’hui.

La fréquence des tenues devient hebdomadaire jusqu’à la fin mai 1732 et la loge ne se réunit ensuite qu’une seule fois en juin 1732, pour la Saint-Jean (le Baptiste), une seule fois en juillet, et seulement trois fois lors du second semestre de l’année 1732. Par la suite, il semble que le rythme des tenues soit intimement lié au rythme d’accostage des bateaux dans le port de Bordeaux.

Rien n’indique que cette première loge bordelaise ait été inscrite au tableau de la Grande Loge de Londres et de Westminster dès sa fondation, elle ne recevra sa patente, et le numéro 204 sur le tableau de la grande loge qu’en 1766. En outre, la consonance irlandaise des noms des premiers frères de la loge ne laisse rien présumer à ce sujet. Quinze ans après la fondation de la première grande loge à Londres en 1717, il n’est pas certain que ces frères aient été initiés dans une loge régulière de la Grande Loge de Londres.

En 1740, une deuxième loge est créée : La française, qui travaillera en français dès sa fondation alors que L’anglaise ne le fera qu’à partir de 1743, si l’on en croit son premier registre. Les avis divergent sur les déterminants de cette création : langue, nationalité, religion ? Il apparaît en tout état de cause que chaque loge acceptait les visiteurs de l’autre. En 1744 naître une troisième loge, La parfaite harmonie, suite à des dissensions au sein de La française, dont le registre permet de relever des visites d’Etienne Morin pendant les années qui suivent. Une quatrième loge verra le jour en 1746 : L’amitié, suite à des dissensions au sein de La parfaite harmonie. Une loge La parfaite loge écossaise dont la création est prêtée à Etienne Morin suivra aussi.

Un élément marquant et notable de la vie maçonnique bordelaise est la création d’une Loge générale en 1745, destinée à fédérer et harmoniser les activités des loges de Bordeaux, treize ans après la création de L’anglaise. Cette Loge générale adoptera un règlement général en 1746, disposant que les loges doivent s’échanger la liste de leurs membres et de leurs officiers, décrivant les conditions de réception d’un nouveau frère, d’exclusion d’un frère réfractaire, le tuilage des visiteurs, etc. Cette Loge générale s’affirmera comme l’instance régulatrice de la maçonnerie bordelaise, en interdisant la création de nouvelles loges, par exemple, et L’anglaise aura, en règle générale, la main sur cette Loge générale au cours du XVIIIe siècle, s’affirmant comme la loge mère des toutes les autres loges bordelaises.

On notera aussi, dès 1746, l’apparition d’une maçonnerie d’adoption, enregistrée dans le registre de L’anglaise, sous l’égide de la Loge générale. Comme dans tous les pays d’Europe continentale à cette époque, les mondanités maçonniques obligent à associer les femmes à la maçonnerie, malgré l’interdit édicté par les Constitutions d’Anderson, et Bordeaux ne déroge pas à cette exigence malgré le caractère particulièrement britannique de la maçonnerie bordelaise à ses débuts.

Pour aller plus loin :

  • Johel COUTURA, « La franc-maçonnerie à Bordeaux (XVIIIe – XIXe siècles) », Éditions Jeanne Laffitte, 1978

  • Alain BERNHEIM, « Notes on early freemasonry in Bordeaux (1732-1769) », Ars Quatuor Coronatorum, n° 101, 1988, p.33-132

  • Lauriane CROS, « Franc-maçonnerie, réseaux maçonniques et dynamiques bordelaises au XVIIIe siècle », thèse de doctorat, Université de Bordeaux Montaigne, 2018.

  • Nozomu TASE, « Construire l’espace maçonnique, les loges bordelaises des Lumières au Premier Empire », thèse de doctorat, Université Côte d’Azur, 2019.

Echanges collectifs

Le FF Dominique S. souligne le côté passionnant de la Loge l'Anglaise et rappelle, avec malice, que sous le pseudo de Jacques Léchelle nous retrouvons dans 2 numéros de RT des retranscriptions des premières archives relatives à cette Loge. Le secrétaire de l'époque, (en 1742, 1744), pour plaire à son VM a retranscrit les comptes-rendus, qui nous permettent d'en disposer aujourd'hui. Pour ce qui concerne la Loge d'adoption, nous retrouvons un passage relatif à la la Loge des Franches Maçonnes, dite des Sœurs de l'adoption, où les FF jurent de ne pas visiter cette Loge. Nous retrouvons dans ces textes également, les relations avec les autres loges de l'Orient, et les épisodes ou la Loge l'Anglaise délivre des patentes qui partent dans le monde entier, en France, à la Nouvelle Orléans, qui alimente la légende de l'Anglaise...De nombreux ecclésiastiques sont initiés dans cette Loge. Par ailleurs, le lien entre la Française et l'Anglaise est sans doute à réaliser avec la pratique religieuse. Notons la présence irlandaise importante, tel Dixon.

Guillaume P. précise qu'à Bordeaux, dans le centre Maçonnique principal, le Temple Ségalier, il y a le temple N°7 qui porte sur sa devanture les 3 noms des FF fondateurs de la Loge l'Anglaise.

Roger D. rappelle tout l'intérêt de revenir aux sources de la maçonnerie en France, et l’organisation maçonnique est toujours reliée à l'histoire des hommes qui la compose, avec leur grandeur et leur petitesse. Ces maçons ne se disaient pas qu'ils fondaient la Franc-maçonnerie en France, simplement ils réalisaient ce qu'ils avaient envie de faire, ils étaient en France, par le hasard de leur vie, et faisaient de la maçonnerie pour se distraire. Cette période est passionnante, car nous sommes dans de la maçonnerie franco-britannique, nous sommes à une époque qui va se terminer une vingtaine d'années plus tard, où il n' y a aucune différence entre la maçonnerie française et britannique. Cela commence à changer à compter de 1750 en angleterre, lorsque les branches des modernes et des anciens naissent. Auparavant, nous pratiquions à Paris, et Bordeaux, par exemple, la même maçonnerie qu'à Londres. Cela explique que des maçons passaient d'une ville à l'autre en pratiquant la même maçonnerie. Nous sommes à cette période, dans la tradition maçonnique la plus anciennement documentée. Roger souligne la rapidité des parcours individuels à l'époque, et cette période va durer assez longtemps, avant de s’atténuer. On voit bien dans la divulgation parisienne en 1737, qui rappelons-le est un rituel ; ce rituel est tout à fait conforme à la maçonnerie disséquée de Prichard en 1730. Cela doit être assez proche de ce qui a été réalisé à Bordeaux en 1732. Le rituel est assez simple et bref, on est reçu le même jour Apprenti et après trois tours de la Loge, la candidat est reçu Compagnon. Dans le grade de Compagnon, il n'y a rien du tout. Les premières divulgations imprimées et notamment le secret des francs-maçons, le catéchisme des franc-maçons, en 1744, il y a un grand tableau de la Loge d'appentis-compagnons. Il n'y a pas deux tableaux distincts. Dans le pire des cas on était apprenti un mois, sinon cela durait une minute. Cela s'éloigne beaucoup de notre pratique actuelle. Cela est resté longtemps ainsi dans les pays anglo-saxons, et également en écosse, (qui est un pays celte) aujourd'hui, en grande-Bretagne on est apprenti, on est reçu compagnon un mois après, et trois mois ensuite on est élevé à la maîtrise. Les grades ne se méritent pas. Il n'est pas nécessaire d'attendre et de souffrir pour obtenir des grades. Ce sont des portes qui s'ouvrent, une fois franchies, chacun en fait ce qu'il souhaite. Ce serait paradoxal de dire que ceux qui ont fondé la maçonnerie l'ont moins bien comprise que nous...Le dernier point est la régularité. Au 18eme siècle, être régulier ce n'était pas suivre un certain type particulier de rituel. Une Loge régulière au 18ème siècle, est une loge qui paye ses capitations à une grande loge, la seule chose qui les intéresse est d'être rattaché à une autorité, donc vous êtes une loge régulière. Enfin, nous avons rappelé que les documents qui sont revenus de Minsk, faisaient partie de ceux qui avaient été raflés par les SS, et conservés à Poznan ; et sur lesquels les soviets ont fait main basse en 1945. Beaucoup de ces documents figuraient dans les archives du KGB à Moscou. Ces archives sont revenues en 2000, car Boris Eltsine a négocié avec le gouvernement français leur rapatriement afin de recevoir des devises. L'état français les a ensuite remis gratuitement aux obédiences. La grande découverte est que tous les documents ne se trouvaient pas à Moscou, une partie des archives étaient à Minsk, sans que l'on sache pourquoi. Ce registre est le Graal de l'histoire maçonnique française ! C'est le document dont les chercheurs ont dit pendant 70 ans : il a malheureusement disparu dans la tourmente, et c'est fini nous ne le retrouverons plus. C'est une chance que Renaissance Traditionnelle puisse faire un article sur le sujet.

Pierre P. prend la parole : Dans la maçonnerie, à ses débuts, le grade de compagnon n'existait pas. La cérémonie d'initiation permettait la transmission, après avoir prêté serment, d'un secret et des mystères du grade (mot, signe et attouchements) au grade d'apprenti, puis à nouveau la même transmission (d'un nouveau mot, signe, et attouchements) au grade de compagnon. Le tout, comme cela a été dit, transmis le même soir, donc il n'y avait pas deux cérémonies distinctes. Cela explique pourquoi les deux grades sont complémentaires et le mot du maçon les réunis. Le grade de maître est véritablement différent, et on peut se demander si la véritable maçonnerie initiatique ne commence pas au grade de maître, à cette époque. Pour compléter Roger D. indique que l'un des enseignements de ce document, est que l'on a pratiqué le grade de maître à Bordeaux en 1732, ce qui est précoce en France.

Sylvia F interroge : il y a t-il une loge de cette époque qui a subsisté ? Guillaume P nous indique que l'Anglaise existe encore et la GLDF et la GLNF se disputent sa paternité, au travers de deux loges. C'est à la GLDF que la Loge l'Anglaise 204 N°2 a été créée, qui est selon les FF de la GLDF de Bordeaux la plus ancienne loge. Il y a des interruptions car on constate qu'il n'y a pas de continuité dans le livre d'architecture. Pour Roger D. l'anglaise de la GLNF est une des loges fondatrices de la GLNF, elle en a été la deuxième. Elle venait plutôt du GO à ce moment là. La loge qui est actuellement à la GLDF est arrivée bien plus tardivement. Indiscutablement la loge la plus ancienne, de celles qui existent encore aujourd'hui est celle de la GLNF. Et n'oublions pas que nous avons également l'Anglaise de Marseille des LNFU !

Nous passons au deuxième sujet à l'ordre du jour, l'interview d'un maçon confiné : Pierre D-SCR-T--N

Interview d'un Maçon confiné

Etes-vous un maçon confiné ? Totalement depuis un mois. Un couple de voisins me fait mes courses, je ne sors pas, et j'ai la chance d'avoir un jardin je peux aller me promener et respirer... Je continue à faire 3/4 d'heure de vélo en appartement tous les jours. J'ai beaucoup d'occupations, par exemple actuellement, grâce à Jérôme, je classe mes photos et je les numérise pour créer un fond photographique.

Quelles sont vos lectures maçonniques préférées ? Au jour le jour, je lis RT. Je prends un numéro au hasard, je lis et je m'aperçois que je n'avais pas lu certains articles que je mettais de côté pour plus tard, sans jamais y revenir. On voit 15 ans après, lorsque l'on a une recherche, que c'est dans Renaissance Traditionnelle que l'on y trouve la réponse. Je relis des articles et Je découvre des articles que j'avais ignoré.

Quel est le livre maçonnique que vous avez le plus usé ? Ce n'est pas un livre maçonnique, mais un dictionnaire anglais-français, et le dictionnaire d'Oxford. A une époque la loge d'études et de recherche Louis de Clermont était au cœur des recherches historiques maçonniques, et on avait pendant plusieurs années traduit les early masonic catechisms, et il n'y avait pas de traduction en France . Donc pour cette raison, j'ai beaucoup utilisé ces dictionnaires. Pour l'anecdote lorsque des FF qui fréquentaient cette loge Louis de Clermont, sont partis à la GLNF et ont repris les traductions réalisées à Louis de Clermont, les ont modifiées et les ont publiées dans Villard de Honnecourt.

Pendant le confinement, répétez-vous des cérémonies maçonniques ? Non. Mais en revanche je relis avant chaque tenue le rituel et particulièrement lors des cérémonies. N'oublions pas qu'aux LNFU nous pouvons avoir un poste au dernier moment, et cela permet de mieux vivre la cérémonie.

Faut-il avoir tout compris de la franc-maçonnerie pour l'apprécier, ou bien faut-il ne rien y comprendre pour la découvrir ? C'est un peu compliqué. La réponse est ailleurs. Cela repose sur le cheminement personnel. Chaque grade apporte des éléments dans ce cheminement. A une époque de notre vie maçonnique on reçoit un grade, et on prend conscience parfois beaucoup plus tard, que c'est un grade très important. Ce qui est essentiel est le cheminement que l'on a.

Quels sont les moments de la vie maçonnique en loge qui vous manquent en ce moment ? Les cérémonies. La vie d'une loge est rythmée par les cérémonies. Une organisation traditionnelle et initiatique doit transmettre. La cérémonie est importante pour le candidat et aussi pour la maçonnerie afin d'en assurer la continuité. On comprend mieux la cérémonie quand on la revit à travers celle d'autres candidats. A chaque fois on découvre un détail.

Quel est votre plus grand regret de votre vie maçonnique ? Je n'ai aucun regret. Je n'ai jamais rien demandé, ni rien souhaité, par exemple de recevoir un grade. J'ai eu la chance que l'on m'en propose de nombreux. Et je n'ai jamais refusé un grade. J'ai saisi les occasions qui m'ont été offertes. De la même manière lorsque l'on entre en maçonnerie, on saisit une occasion qui nous est donnée. J'ai eu la chance d'avoir une vie avec suffisamment de temps libre pour me consacrer à la maçonnerie.

Quel est votre plus beau souvenir ? Le plus beau je ne sais pas. Peut-être le plus utile. Après quelques années en maçonnerie, je me demandais si j'allais y rester. Je me posais beaucoup de questions, je demandais aux anciens, ils levaient les bras au ciel et me répondaient : ce n'est pas de ton âge, tu verras plus tard. En fait, plus tard je me suis aperçu que ce n'était pas leur préoccupation et qu'ils n'avaient pas de réponse. Et je me disais, pourquoi rester ? Et un soir, lors des agapes en parlant avec un jeune frère, qui était apprenti depuis 3 mois, (Henri Gauchet), et celui-ci me dit : connais-tu René Guénon ? Je luis dis : René qui ? René Guénon, tu devrais le lire. Ah lire quoi ? "La crise du monde moderne". Le livre m'a intéressé mais ne répondait pas vraiment à mes questions, mais j'ai vu qu'il avait écrit d'autres livres, et j'ai découvert que René Guénon a aussi écrit "aperçu sur l'initiation". Dès lors, je l'ai lu et ai eu mes réponses à toutes mes questions, et c'est ce qui m'a fait rester en maçonnerie. Même si avec le temps j'ai pris du recul sur les positions de René Guénon. Par ailleurs, le frère qui m'avait conseillé la lecture n'est pas resté en maçonnerie.

A quelle époque maçonnique auriez-vous aimer vivre ? Curieusement j'aimerai vivre au 21ème siècle. Découvrir la maçonnerie qui va venir. C'est donc un souhait plus qu'un regret.

Existe-il encore un grade que vous souhaitez avoir ? Je n'aspire à aucun grade, si il s'en présente un, et que je peux l'avoir, j'en suis très heureux.

Si Vous ne pouvez pratiquer qu'un grade, lequel serait-ce ? C'est une question que je me suis déjà posé. Selon moi, le grade essentiel est le grade de maître, c'est à la fois le départ et celui qui mène vers d'autres aventures ; et celui-ci est lié à un deuxième grade qui le grade de maître parfait au rite français, celui de Maître et de MESA au RER, et celui de Maître et l'Arc Royal à Émulation. Avec ces deux grades, qui n'en font qu'un nous avons, selon moi, toute la démarche maçonnique.

Quelle est votre vision idéale des LNFU dans 50 ans ? La pire ? Le but de la création de ce mouvement maçonnique, crée par René Guilly en 1951, est de remettre la maçonnerie française dans sa véritable tradition. il dépasse la notion d'obédience. Ce mouvement est né au GO, puis est passé à la GLNF, puis à la LNF, maintenant aux LNFU, pour remettre la maçonnerie dans sa véritable tradition. Donc ce mouvement a deux objectifs, la recherche traditionnelle dans la maçonnerie française, qui se poursuit encore à ce jour ; et pratiquer les rites. Ma vision idéale est de maintenir le but originel.

Quel mot représente le mieux les LNFU ? C'est difficile de ne garder qu'un seul mot. Chaque sœur et frère a sa propre définition. La mienne est en 3 mots : la fraternité, l'initiation, pour le maçon qui vit dans son époque : la citoyenneté.

Et une dernière question, "piège" : les santés rituelles à Émulation doivent se porter avec un ou deux doigts ? Je ne connais pas dans le détail le rite anglais, je sais mieux les porter au rite français. C'est un détail, mais la nature de nos actions, et surtout de la pratique anglaise, nous devons tout observer avec un soin du détail. Ainsi, lors d'une cérémonie, et aussi lorsque l'on installe la loge, cela se joue dans le détail, et ce depuis l'origine de la LNF. C'est à la fois d'ordre initiatique et esthétique.

Jérôme M. demande à Pierre P pourquoi le choix de "Discrétion" comme nom d'ordre ? Dans le rite français, le dernier grade est Souverain Prince Rose Croix. Dans ce grade il faut choisir un blason, et un nom d'ordre. J'ai demandé conseil à René Guilly, qui m'a répondu que cela doit correspondre à une vertu à laquelle on aspire, ou quelque chose qui nous caractérise, et moi c'est plutôt la discrétion, qui est aussi dans mon adresse mail.

Nous portons ensuite quelques santés avant de clôturer nos échanges.